Aus gemiquejaires de la francofonia 

La « Cité Internationale de la Langue Française » à Villers-Cotterêts (Fòto wikipedia commons )

« Piula piula mair desolada

Que t’an raubat tons ausilhons ! »

Atau parlava lo poèta bearnés e republican Xavier Navarròt en 1851

quan Napoleon e hasó lo son còp d’Estat. Lo poèta denonciava atau l’empresonament de quauques opausants republicans.

Que son aqueths vèrs — e non sabi pas perqué—  qui’m vienen a l’esperit quan enteni a gemiquejar los defensors de la lenga francesa.

Que s’avisan que serà installat a Villers-Cotterêts « L’Alliance pour la technologie des langues ». Aqueste organisme europèu qu’a causit lo site emblematic ( e hòrt costós ) de la « Cité Internationale de la Langue Française »com sièti.

Mes malaia ! Lo recrutament deu director se hè dab la coneishença obligatòria de l’anglés ! Aquesta que serà la lenga de tribalh !

Quin escarni ! çò semblan díser los defensors deu francés ! De har de l’anglés la lenga de tribalh d’un organisme qui serà installat dens lo temple de la francofonia !

Que son las tornas ! Dilhèu tot aqueth monde que s’an desbrombat en quinas condicions e s’ei creada aquera « Cité » qui mespresa las autas lengas deu territòri de la Republica.

L’occitan que n’ei absent, ignorat sus ua mapa de las lengas ditas regionalas presentadas aus visitors. Lo mot « patois » qu’ei metut en valor a l’entrada com un deus cent mots emblematics de la lenga francesa.

Alavetz perqué s’estonar que d’autes e manegin lo mesprètz tanben ? D’aulhors l’idea que l’anglés e sii lenga de tribalh en mantuns organismes qu’a hòrt de partisans en França. Quantes còps n’avem pas entenut a díser que valèva autan ensenhar l’anglés meilèu que l’occitan per las escòlas nostas pr’amor qu’èra mei utile !!! Adara que sembla mei utile de saber l’anglés que lo francés. E voletz que plórim amassas ? Que resèrvi las meas lagremas a d’autes. N’èi pas arren contra lo francés qui ei ua bèra lenga mes qu’èi en òdi los qui n’an pas nada coheréncian en los lors principis. 

Alavetz meilèu que de gemicar e gemiquejar atau, que seretz plan inspirats de defénder principis com per exemple lo deu dret a la diversitat lingüistica o lo dret de TOTAS las lenga de víver e de’s desvolopar. Que seré mei aisit tà’s protegir deus còps d’Estats e autes « pronunciamientos » o « putschs » lingüistics.  

L’indignacion cap a l’injustícia que pòt, còps que i a sonar faus. E sus aqueth ahar qu’ei lo cas. Qu’avem sonque enveja d’ajustar aus vèrs de Navaròt :

« Piula piula mair desolada

Que t’an raubat tons ausilhons ! »

Qu’averés devut pensar de’us protegir TOTS.

David Grosclaude

 

 

TER Nouvelle Aquitaine : Quelle honte !     
¡Qué vergüenza !  What a shame !

Et j’ajoute : « quina vergonha !  »

Non je ne vous parlerai pas de trains qui n’arrivent pas à l’heure. Je veux juste dire ma surprise d’entendre dorénavant que la Région Nouvelle Aquitaine semble avoir honte de la langue occitane qui couvre une bonne partie de son territoire.

Montant dans un train TER, comme je le fais plusieurs fois par semaine, j’entends depuis quelques jours en arrivant à la gare « Prochain arrêt : Pau. Next sation : Pau. Próxima parada : Pau ».  

D’occitan pas un mot ! Il est vrai que la politique linguistique semble ne pas avancer à grands pas. Y aurait-il une panne ? les voies seraient elles en réfection ? Quelle est la raison du retard ? Mystère !

En tous cas je suis heureux de voir que la question du multilinguisme dans le train est réglée. En effet il y a quelques années  nous avions posé ( avec quelques autres élus régionaux d’Occitanie et de Bretagne) la question de ces annonces. Nous avions interpelé la SNCF. On nous avait dit que c’était impossible, que ça coûtait très cher …bref le chien avait la rage et tous les arguments étaient bons pour le zigouiller.

Ce n’étaient que des arguments fallacieux au service de l’immobilisme. Oui, même quand on se veut spécialiste des mobilités on peut être un champion de l’immobilisme !

Aujourd’hui les TER parlent anglais et espagnol. C’est très bien. Mais pourquoi ne parlent-ils pas occitan ? Parce que quelqu’un n’a pas voulu et parce que d’autres n’ont pas demandé que ça se fasse ?

Donc pourquoi la Région Nouvelle Aquitaine qui paye les trains régionaux n’est pas cohérente avec sa politique linguistique affirmée et votée il y a quelques années ?

Je ne vois qu’un raison : les freins, les entraves de ceux qui ont honte de la langue de leur territoire.

Que croient ils ? Que cela ferait fuir les touristes ? Que des voyageurs se perdraient à l’écoute de « gara seguenta : Pau » o « gara seguenta : Bordèu » ? Qu’ils deviendraient fous en entendant cette langue étrange et ouvriraient les portières en se jetant sur la voie ? Croient ils que les touristes ne souhaitent pas entendre la voix du territoire où ils se trouvent ?

 Non. Ils ne savent pas ce qu’est une politique linguistique et s’ils le savent c’est qu’ils ne veulent pas l’appliquer.  Trois mots d’occitan ce serait trop ?

Je sais que l’on va évoquer le trop d’information qui trouble les voyageurs, le trop d’annonces etc…baratin que tout ça !

Je me mets à penser à ce qu’écrivait Morvan Lebesque  dans :  « Comment peut-on être breton ? » il écrit  à propos de l’identité bretonne qui n’a pas vraiment de reconnaissance  :  « Elle n’existe que dans la mesure où, à chaque génération des hommes se reconnaissent bretons (…) à l’âge venu, la découverte ou l’ignorance ».

Vous qui avez décidé que la langue ne pouvait pas s’entendre dans un lieu aussi public qu’un train, vous  avez choisi l’ignorance…mais pas que pour vous ; et si c’était le cas ce serait votre problème. Mais vous avez choisi pour les autres, pour tous les autres. Alors choisir de transmettre l’ignorance plutôt que de proposer la découverte c’est renoncer à l’avenir…et moi qui croyais que faire de la politique c’était le prévoir ?

Ne pas vouloir partager sa langue avec les autres s’appelle le « repli sus soi ». Ignorer que l’autre puisse être curieux de ce qu’est notre territoire c’est du mépris. Je sais très bien que trois mots ne font pas une politique linguistique, qu’il faut bien plus ; mais je sais que le silence n’en fait pas une non plus, et qu’il est mortel !

Au cas où vous souhaiteriez diffuser largement l’extrait de M.Lebesque, je vous en livre une version en occitan, une autre en anglais et une en espagnol

David Grosclaude

Era existeish sonque se, a cada genracion , òmis se senteishen bretons…A cadun, quan arribi l’atge, la descobèrta o l’ignorància.

Ella existe solamente se a cada generación hombres se sienten bretones…A cada uno, cuando llegue la edad,  el descubrimiento o la ignorancia

She exists only insofar as at each generation men recognise themselves as Bretons. (…) To each, when age comes, the discovery or the ignorance.

La langue française ne mérite pas ça

La « Cité internationale de la langue française » sera inaugurée le 19 octobre prochain. On y écrit un nouveau chapître du « roman national » c’est à dire que l’on utilise une fois de plus l’histoire afin de justifier une politique d’uniformisation des langues et des cultures. Le français mérite mieux que cette manipulation.

Capture d’écran du site de la « Cité » avec une photo du plafond de la verrière qui accueillera les visiteurs

On ne peut pas encore visiter « La Cité Internationale de la Langue Française » dans le château de Villers-Cotterêts. Elle sera inaugurée dans quelques jours, le 19 octobre prochain, par le président de la République.

Cependant, le site internet vous donne déjà une idée de ce que l’on pourra y découvrir.

A l’évidence une belle  histoire, comme on aime les raconter quand on veut tripatouiller un peu l’histoire, pardon l’Histoire. J’oubliais la majuscule.

Je ne crois pas que la langue française méritait ce simplisme, cette fable. Mais il faut croire que nous sommes en mal de « roman national » et que nous avons un président de la République, qui en matière linguistique, se préoccupe peu de précision historique et même de vérité. Peu importe. Il va inaugurer ce nouvel espace où fut signée en 1539 l’ordonnance de Villers-Cotterêts, un long texte concernant la justice et autres sujets liés à l’administration de ce qu’était le royaume de France de l’époque. C’est François 1er qui signa cette ordonnance dans laquelle deux dispositions, parmi presque deux cents autres, exige que les actes officiels soient désormais rédigés dans son royaume en « langage maternel françois ». (1)

Ce texte, discuté, controversé n’est pas un acte de politique linguistique visant à faire parler le français. Il est selon certains une mise au point afin que l’on n’écrive plus en latin et que l’on s’adresse aux justiciables dans une langue qu’ils comprennent.

Si  l’on admet —et on pourrait en débattre­— que ce texte n’a rien à l’époque d’une attaque contre les langues dites « régionales », il n’en reste pas moins qu’il fut invoqué  il y a peu afin de barrer la route à la reconnaissance des droits des dites langues régionales. Ce fut le cas pour la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Le président de la République se réfère lui-même au texte de 1539 quand il a besoin de justifier sa position, très tiède, sur la question des langues. Que la République s’appuie sur une ordonnance royale ne cesse de m’étonner. (2)

Que l’on investisse des millions dans un lieu pour célébrer une langue n’a en soi rien de choquant, sauf quand il s’agit de tenter de justifier une situation anormale. Des dizaines de propositions de loi, des centaines de manifestations, des interventions dans les instances internationales n’ont pas fait bouger la France qui à ce jour ne fait que tolérer l’existence de langues historiques autres que le français sur le sol de l’actuelle République. Je sais bien que, dans un élan de mauvaise foi, ou d’ignorance, le président de la République déclara un jour qu’il était bien singulier de voir que la «France était le seul pays de la francophonie à n’avoir que le français ! ».  Il alla même jusqu’à dialoguer avec des enfants d’une école proche de Villers-Cotterêts —en présence de caméras de télévision— en leur expliquant que grâce à cette ordonnance nous pouvons désormais nous comprendre parce que sinon nous parlerions tous des « patois » différents.

Que le président de la République actuel, comme ses prédécesseurs, n’ait rien fait et ne fasse rien pour nos langues est une évidence ; donc laissons-là les politiques et intéressons-nous à cette « Cité internationale de la langue française ». (3)

Elle réserve quelques surprises. D’abord on a confié, à grands frais, à une entreprise le soin de réaliser une verrière qui accueillera les visiteurs. Je passe sur l’exploit architectural pour parler du concept. Ce sont cent mots illustrant la langue française qui sont suspendus au dessus du sol. Cette sélection de cent mots est le résultat : « d’une consultation menée avec les habitants de Villers-Cotterêts » . On nous dit que ces mots : « reflètent la diversité de la langue française dans le monde ». Je ne sais par quel étrange phénomène l’un des cent mots choisis et figurant en bonne place sur la photo du site internet de la Cité est : « PATOIS ». Mais quel bon choix !  Que le hasard fait bien les choses ! On entre dans le temple de langue française et on trouve parmi les cent mots représentatifs celui qui illustre le mieux le mépris avec lequel on a traité nos langues dites  « régionales ». Il est heureux que n’aient pas été choisis des mots comme « cracher » ou « interdit », parce que l’on aurait pu  faire des associations malheureuses et reconstituer la phrase : « Il est interdit de parler patois et de cracher par terre ». C’était une phrase elle aussi affichée dans quelques temples du savoir que sont les écoles, à une certaine époque.  Non, la Cité est presque « clean » ( pardon, je provoque  mais un autre couac est malheureusement à suivre !) pas de conflit, juste ce mot qui est suspendu au dessus de votre tête (cf photo). Je me demande ce qui est passé par celle de celui ou de celle qui l’a choisi, symbole d’un mépris historique toujours vivant. La langue française, langue très respectable comme toutes les langues du monde, ne méritait pas cela. « Diversité » aurait été un mot bienvenu mais il était peut-être le 101ème de la liste ? Bref,  « patois » est bien là aux côtés de « courriel », « grammaire », « bouquin » , « rendez-vous » et aussi « François 1er ». J’entrevois aussi « créole ». Au singulier cela ne désigne pas une langue mais des langues qui sont d’ailleurs fort diverses et que la République s’honorerait à laisser vivre, comme elle s’honorerait de le faire pour le breton, le basque, le corse, le catalan et j’allais dire l’occitan …mais mais ! Oui, il y a un « mais » ! Je m’explique.

Une carte, à droite bien particulière. L’occitan n’existe pas et la mosaïque (assez contestable et même fantaisiste) semble faite pour montrer tous les bienfaits d’une uniformisation des langues

Dans la visite virtuelle que l’on peut faire sur le site de « la Cité » on fait une place aux langues dites «régionales » vous savez ces langues qui vivent dans cet espace francophone, un peu comme le poussin sous la poule. Ça, c’est en rêve ! La poule s’en fout. On veut juste laisser penser que ce sont des « langues sous la mère », des sous-langues en quelque sorte !

La salle des langues régionales vous permettra, en vous plaçant sous des haut-parleurs de les entendre (3). Une belle carte vous montrera où elles se parlent (dire où elles se meurent serait plus juste ). Mais l’occitan ? Il n’existe pas. Il est découpé en quatre grands espaces (cf photo) Il n’y a, comme c’est singulier, que le nord du territoire qui parle le « nord-occitan ». Pour les autres c’est du gascon, du languedocien et du provençal.

Et je vous promets que cette vision des choses n’etait pas inscrite dans l’ordonnance de 1539 par François 1er, il s’agit d’un choix actuel, volontaire, pensé, voulu. Et quand je pense que l’on a même pas prévu une petite tâche sur la carte pour indiquer le « patois pyrénéen » parlé par la grand-mère de notre président ! Vous verrez aussi que sur la carte sont indiqués tous les dialectes d’Oïl avec un qui m’était inconnu et qui est appelé  « centre ».

Il est bien dommage que l’on réduise la langue française à cette manipulation coûteuse dans le but de laisser croire que 1539 fut la fin d’un babel infernal. Il s’agit une fois de plus de tenter de faire croire qu’il y aurait un mouvement naturel de l’histoire, un mouvement qui ferait disparaître les autres langues, qui ne sont que des « patois ». Instrumentaliser une langue, le français, pour écrire en ce château un châpitre de plus à un « roman national » ne me dit rien qui vaille. Le français, en tant que langue, n’a heureusement rien à voir avec cette idéologie, avec cette manipulation de l’histoire. C’est une œuvre de simplification visant à faire voguer le bateau avec l’air du temps…  J’espère que le mot « liberté » qui est suspendu parmi les cent mots de la verrière, est bien accroché. Bien qu’il ne soit écrit qu’en français je le prefère largement à ceux que nous portent les vents mauvais qui soufflent lorsque l’on manipule l’histoire, ou pour employer un mot français populaire, lorsqu’on la « bidouille » ; Sans doute afin de faire plaisir à un électorat qui écoute de plus en plus des bonimenteurs franchouillards.

David Grosclaude

  

1)  Les deux articles de l’ordonnance traitant de la langue

Art. 110. – Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguité ou incertitude ne lieu à demander interprétation.

Art. 111. – Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement
.

2) Il déclarait en février 2018 dans son discours à Bastia qu’il ne pouvait y avoir de co-officialité pour le Corse : « il n’y a qu’une seule langue officielle dans la République, et même avant la République, c’est le français » 

3) Je me permets quand même de vous laisser quelques citations de responsables politiques français (j’aurais pu en trouver bien d’autres) qui permettent de comprendre l’état d’esprit dans lequel se traite la question en France.

Bruno Retailleau 2015 Le Figaro  sénateur de la Vendée, et président du groupe Les Républicains au Sénat.

« Il faut l’affirmer. Mais pas au détriment d’une unité que la nation a définitivement trouvée avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, lorsque François Ier a fait du français la langue officielle du droit et de l’administration. La France s’émancipait alors de la tutelle du monde ancien. Elle s’inventa, dès lors, en faisant fusionner les apports de tous ceux qui avaient peuplé la Gaule. C’est la langue française qui a permis au processus d’assimilation de fonctionner. L’incapacité d’une partie de notre jeunesse à en maîtriser les fondamentaux n’est-elle pas en cause dans le délitement du sentiment national que nous déplorons aujourd’hui ? »

Réponse faite au nom du gouvernment  le 27/1/ 1993 à l’Assemblée Nationale à une question de Roland Courteau député de l’Aude :

« Ainsi l’emploi des langues régionales dans les organes juridictionnels serait en opposition avec le principe de l’utilisation de la langue française par les juridictions (ordonnance d’août 1539 dite de Villers-Cotteret).»

13 mai 2008 J.Luc Mélenchon sénateur de l’Essone à la tribune du Sénat, contre la Charte et un nouvel article dans la Constitution , le 75-1 qui fait des langues régionales un « patrimoine de la France »

« Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune, je suis persuadé que, quels que soient les points de vue que vous exprimez sur ce sujet, tous ici vous vous sentez aussi patriotes que moi-même, aussi attachés à l’unité et à l’indivisibilité de la République française que je le suis et dignes continuateurs du progrès constitué par l’ordonnance de Villers-Cotterêts : ce texte a établi le français comme langue du royaume, permettant à chacun de se défendre, de témoigner, d’attaquer en justice et d’être compris par les autres. »

4)Ça ressemble d’ailleurs un peu à la lampe chauffante que l’on mettait autrefois aux poussins ou aux canetons afin qu’il survivent au chaud, sans la mère.

La lenga au centre de la politica La langue au centre de la politique

ARTICLE BILINGUE Version occitane suivie de la version française

Avec l’affaire des langues officielles au Congrès des députés de Madrid, la preuve est faite, une fois de plus, que la langue est un objet politique très sensible

Dab l’ahar de las lengas oficiaus au Congrès deus deputats de Madrid, la pròva qu’ei hèita un còp de mei, que la lenga ei un objècte politic hòrt sensible

Que hèi partida d’aqueths qui pensan que la question de la lenga ei ua question hautament politica. Qu’èi lo tèma qui crèa lo mei gran nombre de reaccions negativas de las parts deus qui son los portaires de las ideologias uniformisatoras e qui arrefusan tota autonomia aus territòris, tot federalisme.

La Diada, lo 11 de seteme passat a Barcelona. (DG)

Lo cas de l’Estat francés qu’ei caricaturau. Recentament enqüèra, uas comunas catalanas qu’estón censuradas per voler utilizar lo catalan au conselh municipau. Corsega, un còp de mei tanben, qu’ei pertocada per la censura lingüistica. A la Martinica, lo president deu conselh regionau qu’estó obligat d’explicar que non reconeishèva pas la legitimitat d’aquera censura anonciada peu prefècte, au nom de l’Estat.

Lo debat qui estó lançat en l’Estat espanhòu per la reconeishença deu dret a l’utilizacion de las lengas de Catalonha, Galícia, Euskadi e Aran au Congrès deus Deputats, qu’ei un eveniment mei qui ditz que las lengas son objèctes politics per excelléncia.

Los deputats de Vox, los nostalgics d’ua Espanha d’ua auta epòca, quan la democracia parlamentària n’i existiva pas, qu’an arrefusat d’escotar un deputat qui parlava galician. Qu’an pausat los escotaders de traduccion e que son sortits de l’emicicli. Qu’ei un gèste de mesprètz, com qui averé avut paur d’estar contaminat, empipautit, sonque per l’escota de la lenga de l’aute. Qu’ei hòrt probable que d’autes deputats son sus la medisha linha mes n’ac gausan pas díser de faiçon autan clara ; la politica qu’a las soas règlas… e sustot la soa aritmetica.

En tot cas los catalans e, qu’ac cau díser lo president Carles Puigdemont, qu’an sabut trobar lo punt sensible e méter sus la taula  un problèma qui torna dar endom au catalanisme. Efectivament, quauques catalans començan de díser que lo procèssus d’independéncia, aviat quauques annadas a, qu’a negligit de tròp la question lingüistica. « Ua  de las errors mei grèus deu procèssus d’independéncia qu’estó dinc adara de sosestimar la lenga »  çò escriu Vicent Partal en lo jornau digitau catalan Vilaweb lo 20 de seteme passat. Dempuish quauques setmanas, la question de la lenga qu’ei tornada en lo debat e que’s vedó clarament lo 11 de seteme tà la Diada : los eslogans sus la question lingüistica que i èran nombrós. (cf fòto)

Que i a donc aquí ua leçon a tirar per los qui pensarén enqüèra que la lenga deveré estar tractada sonque en çò qu’apèran lo « maine culturau ». Qu’ei aquò qui la haré, çò pensan,  mensh polemica.

Mes que’s desbromban que i a en França monde qui considèran que la lenga ei lo «  ciment » de la Republica. Aquestas personas que s’autrejan sovent lo ròtle de guardas de las valors republicanas. Que son de bon compréner, en aqueras condicions, las paurs qui neishen a l’entorn de totas las reivindicatcions pertocant las lengas puishque, per aqueths guardas autoproclamats, l’emplec d’ua auta lenga que lo francés dens un bastiment oficiau pòt estar sonque l’òbra deus adversaris de las ideas republicanas. Que’vs dèishi imaginar quin seré un debat a l’Assemblada Nacionau francesa se’s devèva autorizar un deputat a parlar occitan, breton, catalan o basco ! E i averé sonque los clònes de Vox entà protestar ? Que’m pensi que non !

Qu’ac cau tornar díser : la lenga qu’ei politica. E n’avem pas d’ac escóner sustot quan lo president de la Republica inaugurarà lo 19 d’octobre a Villers-Cotterêts la « Cité internationale de la langue française ». N’ei pas neutre de glorificar lo lòc on estó signat l’edicte de 1539 per François 1er; qu’ei un acte hòrt politic, sustot de las parts d’un president qui hasó sus la question lingüistica comentaris deus leugeròts qui dan lo sentiment d’ua ostilitat objectiva. « Au fond, nous sommes le seul pays de la Francophonie qui ne vit qu’en français (…) Il n’y a que les Français qui n’ont que le Français » * Atau parlava en 2018. Mes que seré, çò’m sembla, prene’u per un nèci de pensar que pòt ignorar atau la realitat lingüistica e l’istòria.

Un còp de mei qu’ac constatam : la lenga qu’ei un objècte politic deus màgers. Los trucs que son dats desempuish quauques annadas per un article 2 de la Constitucion de qui dèishan créder que seré la quita esséncia de l’idea republicana. Qu’èm nombrós totun, capvath lo monde, a estar republicans shens per aquò estar uniformisators, tuaires de lengas o de la diversitat deus mots e de las ideas. E que tròbi, qu’agradi o pas a daubuns, meilèu plasent d’audir a retrenir  lo « Viva (o visca) la Republica » en divèrsas lengas. E nat besonh deus escotaders entà compréner !

Enfin, pertocant l’oficialitat deu catalan, deu basco e deu galician a l’Union europèa, demandada per l’Estat espanhòu, l’ahar n’ei pas clavat e que serà de segur lo parat de debats interessants en ua institucion qui vòu incarnar « l’unitat en la diversitat ».

David Grosclaude

* extraits du discours prononcé le 20 mars 2018 à l’Institut de France http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-a-l-institut-de-france-pour-la-strategie-sur-la-langue-francaise/

La langue au centre de la politique

Avec l’affaire des langues officielles au Congrès des députés de Madrid, la preuve est faite, une fois de plus, que la langue est un objet politique très sensible

Je fais partie de ceux qui pensent que la question de la langue est hautement politique. C’est le sujet qui crée le plus grand nombre de réactions négatives de la part de ceux qui sont porteurs des idéologies uniformisatrices, de ceux qui refusent toute autonomie aux territoires, tout fédéralisme.

Le cas de l’État français est caricatural. Récemment des communes catalanes ont été censurées parce qu’elles souhaitent utiliser le catalan au conseil municipal. La Corse, une fois de plus, est elle aussi victime de la censure linguistique. A la Martinique, le président du conseil régional souhaitant que l’on puisse s’exprimer en créole dans l’institution, a expliqué qu’il ne reconnaissait pas la légitimité de cette censure linguistique, annoncée par le préfet, au nom de l’État.

Le débat qui a été lancé en Espagne pour la reconnaissance du droit à l’utilisation des langues de Catalogne, d’Euskadi, de Galice et du Val d’Aran au Congrès des députés de Madrid, est un événement de plus qui nous dit que les langues sont des objets politiques par excellence.

Les députés de Vox, nostalgiques d’une époque très douloureuse, où la démocratie parlementaire n’existait pas, ont refusé d’écouter un député parce qu’il parlait en galicien. Ils ont posé leurs écouteurs de traduction et sont sortis de l’hémicycle. C’est un geste de mépris ; comme s’ils avaient eu peur d’être contaminés, souillés par la seule écoute de la langue de l’autre. Il est fort probable que d’autres députés sont sur la même ligne mais n’osent pas le dire de façon aussi claire. La politique a ses règles… et surtout son arithmétique.

En tous cas les catalans et, il faut le dire Carles Puigdemont, ont su trouver le point sensible et mettre sur la table un sujet qui redonne de la vigueur au catalanisme.

Effectivement quelques catalans commencent à dire que le processus d’indépendance, lancé il y a quelques années, a trop négligé la question linguistique. « Une des erreurs les plus graves du processus d’indépendance fut jusqu’à maintenant de sous-estimer la langue » écrit Vicent Partal dans le journal digital Vilaweb le 20 septembre dernier.

Depuis quelques semaines la question de la langue est en effet revenue sur le devant de la scène. Ce fut bien visible le 11 septembre dernier, pour la Diada ; les slogans concernant l’avenir du catalan étaient nombreux. (cf photo).

Il y a donc une leçon à tirer pour ceux qui penseraient que la question de la langue est  à traiter exclusivement dans ce que l’on appelle parfois le « domaine culturel » ; c’est ce qui la rendrait par là-même, croient-ils,  moins polémique.

Mais ils oublient qu’il y a en France des personnes qui considèrent que la langue est le « ciment » de la République. Ces personnes se sentent souvent investies du rôle de gardiens des valeurs républicaines. On comprend alors mieux la crainte que suscitent les revendications autour des langues puisque, pour ces gardiens autoproclamés, l’emploi d’une autre langue que le français dans une enceinte officielle ne peut être que l’œuvre d’adversaires des idées républicaines. Je vous laisse ainsi imaginer ce que serait la teneur d’un débat à l’Assemblée Nationale si l’on devait autoriser un député à parler occitan, breton, catalan ou basque ! N’y aurait-il que les clones de Vox pour protester ? Je ne le crois pas.

Il faut le redire : la langue c’est politique. Il n’y a pas à le cacher surtout lorsque le président de la République inaugurera le 19 octobre prochain à Villers-Cotterêts la « Cité internationale de de la langue française ». Ce n’est pas neutre de glorifier le lieu où fut signé par François 1er l’édit de 1539 ; c’est un acte très politique, surtout de la part d’un président qui a fait des commentaires hasardeux sur le sujet linguistique, donnant le sentiment d’une d’hostilité objective. « Au fond, nous sommes le seul pays de la Francophonie qui ne vit qu’en français (…) Il n’y a que les Français qui n’ont que le Français » * Ainsi s’exprimait-il en 2018. Mais ce serait, je crois, le prendre pour un imbécile de penser qu’il ignore ainsi la réalité linguistique et l’histoire.

Une fois de plus nous constatons que la langue est un objet politique des plus importants. Les coups sont portés, depuis quelques années, par un article 2 de la Constitution, dont on laisse croire qu’il serait l’essence même de l’idée républicaine. Nous sommes nombreux de par le monde à être des républicains mais pas pour autant des uniformisateurs, des tueurs de langues, des destructeurs de la diversité des mots et des idées.

Et je trouve, n’en déplaise à certains, plutôt plaisant d’entendre retentir des « Viva (o Visca) la Republica » en diverses langues. Et pas besoin de mettre des écouteurs pour comprendre !

Enfin, concernant l’officialité du catalan, du basque et du galicien à l’Union européenne demandée par l’État espagnol, l’affaire n’est pas bouclée et elle fera sans aucun doute l’objet de débats intéressants dans une institution qui se veut l’incarnation de « l’unité dans la diversité ».

David Grosclaude

* extraits du discours prononcé le 20 mars 2018 à l’Institut de France http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-a-l-institut-de-france-pour-la-strategie-sur-la-langue-francaise/

Crise démocratique ! La belle affaire !

Cette crise est contenue dans les principes de la Constitution et alimentée par une tendance têtue à vouloir toujours créer un face-à-face avec le monarque

Que d’aveuglement autour de cette dénonciation d’une « crise démocratique » que nous vivrions depuis quelques semaines ! Elle n’est pas d’hier et elle ne date pas de ce débat sur la réforme des retraites. Nous y reviendrons.

Sur la crise actuelle, ce qui est absurde, c’est que l’exécutif n’ait pas compris la chance qu’il avait d’avoir face à lui, enfin, un bloc syndical uni et déterminé. Bien sûr c’est inconfortable pour l’exécutif de se trouver face à des opposants aussi déterminés ; mais quelle chance après des années et des années de baisse du taux de syndicalisation ! Ceux que l’on appelle les « partenaires sociaux » n’avaient cessé de perdre de la légitimité depuis des decennies et c’était franchement un vrai problème démocratique. Nous ne pouvons que nous réjouir que des organisations syndicales puissent enfin retrouver un peu d’énergie et de de nouveaux encartés.

Il en est des syndicats comme des partis ; il n’y a pas de démocratie sans ces organisations. C’est peut-être une vision des choses que certains jugeront vieillote mais jusqu’à ce jour on n’a pas trouvé mieux pour faire fonctionner une démocratie. Et comme les partis ont perdu leur prestige, parce qu’ils ont oublié d’être des lieux de réflexion et d’accueil, il reste peu de lieux pour que la démocratie se nourrisse. Le « dégagisme » n’a fait que renforcer un système qui donne à l’executif le rôle premier, presque unique. Et dans notre système le seul qui existe dans l’exécutif c’est le président de la République.

Anomalie démocratique

Donc, la crise démocratique est ancienne. Le président de la République, tel qu’il est élu, avec ses pouvoirs est une anomalie démocratique. On se tourne vers lui pour tout et pour rien. On entend même des commentateurs expliquer comment « gouverne » le président de la République. Mais ce n’est pas son rôle que de gouverner.

Dans le texte de la Constitution de la Vème République, ce n’est pas au président de gouverner. C’est le rôle du gouvernement et de son premier ministre. Mais le présidentialisme a tué le premier ministre.

Bref nous avons donc maintenant un face-à-face permanent entre le président tout-puissant et tous les autres. Tout débat se transforme en ce face-à-face qui n’a rien de démocratique puisque le président ne répond que par des débats ( gilets jaunes) des comités divers et variés ( Conseil national de la refondation et aussi ce prétendu échantillon de la société pour proposer des actions afin de lutter contre le changement climatique).

Et maintenant, la solution à la crise démocratique serait le référendum qui serait « la réponse du peuple au président ». Et pourquoi pas la réponse du peuple au roi ? Il suffirait de changer les mots. 

La crise démocratique est dans les institutions mises en place dans le cadre de le cinquième Réublique. La présidentialisation du régime a fait disparaître l’intérêt de toutes les élections hors de la présidentielle. Cette prétendue « mère des batailles » s’est transformée en une illusion démocratique. Chacun a bien compris que le roi n’est plus légitime puisque choisi par défaut en 2017 et encore plus en 2022.

Le kilomètre carré du pouvoir

Ce qui est le plus inquiétant, dans cette affaire de débat sur la « crise démocratique », c’est que nous en sommes arrivés à un tel point que certaines solutions ne sont même plus évoquées. Personne ne remet en cause le présidentialisme ni le centralisme. Les commentateurs « autorisés » qui occupent les médias parisiens* ( les autres existent-ils encore ? ) ne disent jamais que l’on pourrait améliorer le fonctionnement démocratique en retirant une partie des pouvoirs à ce kilomètre carré où l’on trouve l’exécutif, le Parlement avec ses deux assemblées, la haute administration, les médias et une bonne partie du pouvoir économique, ou de ce que qu’il en reste.

Et maintenant voilà que l’on découvre le Conseil Constitutionnel ! Combien de citoyens avaient entendu parler de cette institution et en connaissaient le rôle avant cette séquence retraite ? Ces prétendus « sages » sont de mon point de vue une anomalie démocratique, notamment dans la façon dont ils sont nommés.  De plus,  ils ne se privent pas de faire de la politique quand il faut sauver le modèle centraliste et unformisateur. Voyez leur rôle lors de tous les textes liés aux questions linguistiques ou aux questions d’autonomie de certains territoires. Chaque fois les « sages » censurent les changements. Sa décision du jour, concernant la loi sur les retraites, n’a donc rien d’étonnant.  

Se poser la question du centralisme

Quant à voir dans le référendum, qu’il soit d’initiative citoyenne ou pas, le fin du fin de la démocratie c’est, de mon point de vue, un refus de remettre en cause la façon dont se fait le choix de nos élus dans ce pays. L’absence de la proportionnelle, qui est la norme dans la plupart des démocraties, devrait nous interroger. Mais en France on ne s’interroge pas sur ce sujet. L’aveuglement a été assez grand pour laisser croire que la proportionnelle était un retour à la quatrième République. Ne pas la mettre en place était, disait-on, la seule façon de faire barrage à l’extrême droite. Le résultat est que nous risquons d’avoir l’extrême droite au pouvoir, en possession de tous les pouvoirs, puisque c’est ainsi que fonctionne notre système. Si vous avez la présidence de la République vous avez tout le reste.  Et chacun a bien compris que, malheureusement, la séquence qui se joue avec l’affaire des retraites, pousse des électeurs vers l’extrême droite. Cette dernière est à l’affût et tirera profit de tout : inflation et mécontentements divers.

Je ne crois pas que le référendum soit la solution à tous les maux démocratiques. C’est une arme à double tranchant. Qu’il est difficile de faire la différence entre référendum et plébiscite en certaines circonstances ! Donc il faut être prudent avec cet outil. Il peut être parfois une fausse bonne idée. 

Cependant, cela ne peut que renforcer l’idée qu’il est nécessaire de créer des pouvoirs d’équilibre. Et pour cela il n’y a que la décentralisation, le fédéralisme. Ce serait le meilleur moyen de ne pas donner tous les pouvoirs au(x) même(s) et de dédramatiser les changements de majorité. Si la majorité change au centre elle ne change pas au même moment dans tous les territoires puisque les élections ne se déroulent pas toutes en même temps. C’est ainsi que les choses fonctionnent dans les pays fédéraux ou largement décentralisés.

J’aimerais entendre dans la bouche des responsables de l’opposition parlementaire cette parole concernant le centralisme. Mais on ne l’entend pas ou à peine ; et même quand on parle de la mise en place d’une nouvelle constitution nous n’entendons pas évoquée la nécessité de mettre fin à un centralisme étouffant, créateur d’une crise démocratique ancienne, permanente, durable.

David Grosclaude         

* Leur rôle est devenu un vrai problème démocratique dans la mesure où les caméras sont toujours braquées en direct sur ce qui se passe à Paris, dans le kilomètre carré du pouvoir, et que tout le reste n’est qu’une succursale de l’actualité parisienne. Ils bâtissent une culture politique qui laisse croire que rien ne peut se passer hors Paris. Et cela est vrai en tous domaines.